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– Allô ? Patrick ? – Lui-même. – Maryse à l’appareil. Tu te souviens de moi ? – Oui. – Ça fait longtemps, hein ? Tu es libre ce soir ? – Heu… oui.
Je n’ai pas osé lui refuser ce rendez-vous devant la gare d’Orsay. Maryse. Mais quel était son nom ? Elle faisait partie de notre groupe autrefois lorsque Mocroy, Sanchez, Masoure et moi transportions les valises des voyageurs, gare Saint-Lazare, pour nous faire de l’argent de poche. Je ne l’avais pas revue depuis l’accident de Sanchez. Que me voulait-elle à (...)
3 décembre 2012, par Pascal Rongveaux
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Rien.
Sinon une quiche lorraine.
Les petits lardons d’une épaisseur inférieure ou égale à trois millimètres égayent une garniture dorée à souhait et légèrement gonflée, comme par un désir. La pâte brisée nargue les vol-au-vent situés à trente et un centimètres et demi du bord gauche de l’assiette plate en grès dans laquelle elle repose, tandis qu’à son côté gît une salade alanguie. Monsieur la mélangera peut-être avec une cuillère et une fourchette en bois. Grand bien lui fasse. Du vin rouge, situé à un angle de (...)
12 décembre 2011, par Marianne Desroziers
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Dans le palais de jade où tu tisses tes, rêves, Ô mon spleen, je contemple, en fumant le houka, L’étrange accouplement qui rapproche deux Èves : La géante Chum-Chum, la naine Sélika.
Chum-Chum vient de la Chine et Sélika d’AfrIque, L’une, jaune, est pareille à quelque énorme coing, L’autre est couleur de nuit, Sapho microscopique, Et leur disparité s’oppose et se conjoint.
De la gloire pourtant leur entr’ouvrant la porte, Je peux les égaler à ces affreux dragons Qu’un amour de poète en son sillage (...)
19 décembre 2011, par Charles Müller,
Paul Reboux
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Ô horror ! horror ! horror !W. Shakespeare, Macbeth
Les Banques ont passé. Tout n’est que ruine et deuil, Poubelle qui déborde, et sur ce sombre écueil, Courent les rats, que des familles Chasseront pour nourrir leurs enfants, car parfois Y gît un vieux MacDo, qui comblera de joie Un chœur dansant de jeunes filles.
Tout est désert. Mais non ; seul près des murs noircis Un chômeur aux yeux gris, un jeune Grec, assis, Courbe sa tête, humilié ; Il a pour seul asile, il a pour seul appui La colère (...)
19 janvier 2012, par Magali D.
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Au milieu des flacons, des petits pots Danone, Et des meubles made in Crémone, Des marbres, des tableaux, des robes Christian Dior, Qui traînent massées en plis d’or.
Dans une chambre bleue, bijou du groupe Accor, Où un air pourrissant nous mord, Et où un bouquet grand comme un épicéa Exhale un parfum d’Ikea.
Un cadavre sans tête et vêtu d’Eminence, Répand sur l’oreiller qui danse, Un sang rouge et vivant comme un bout d’Olida, Un jambon, un pâté lambda.
Et semblable aux visions qu’enfante Monoprix, (...)
27 février 2012, par Jacques Cauda
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Je fus à sa hauteur en deux foulées. Il faisait face à la pâtisserie la plus courue de Pont-Audemer, immobile, un peu voûté sous son blouson terne de demi-saison, et j’ai prononcé les deux syllabes de son prénom, doucement, pour ne pas le faire sursauter. – Laurent... – Toi ? – Je suis presque chez moi ici. Mais toi ? – Viens. Je réfléchissais... Viens boire quelque chose, j’ai le temps. – Le temps, c’est ce qui nous a manqué ? – Ce n’est pas exactement mon impression. Tu as filé comme un voleur. – Comme (...)
5 juin 2012, par Muriel Friboulet
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Lui : C’est quoi son blase à votre expert ? Un double rien ! Zéro total ! Croûte ! Vandale sans savoir ! C’est où qu’il prend ses notes, l’animal ? Chez Télérama spécial ? Le Pastiche comme vous l’avez jamais lu ! Un vide ! On regarde, c’est tout blanc… blanc perdu de réputation ! Malheur à lui… il a pas dû dépasser les trois premières lignes ! Et encore, je rallonge pour pas trop médire, j’le flatte l’ingrat bonimenteur ! Le tarzan de bibliothèque minus ! L’expert nain ! Parole, c’est Le Pastiche qui vous (...)
31 mai 2012, par Jacques Cauda
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500 g de cerises 3 œufs 150 g de farine 150 g de sucre en poudre 10 g de levure délayée dans l’eau chaude 100 g de beurre une tasse de lait
Elle déposa les cerises dans une terrine beurrée et regarda par la fenêtre. Les enfants couraient sur la pelouse, Nicholas, qui avait déjà atteint les massifs des tritomas rouge flamboyant, se retournant pour attendre les autres. Elle revint aux cerises, pois rouges sur fond blanc, si gais et si plaisants, avec leurs noyaux durs invisibles qu’elle n’enlèverait (...)
14 novembre 2012, par Mark Crick
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À Sacha Guitry
Je me souviens que Swan devait dîner ce soir-là chez les Verdurin, quand, vers six heures, un billet d’Odette de Crécy l’informa qu’elle souhaitait passer la soirée avec lui, pour qu’ils entendissent ensemble le ténor varsovien Skotchviski dans son interprétation du rôle de Tristan, car, assurait-on, nul autant que ce Polonais n’en avait mieux rendu, selon la tradition wagnérienne, les nuances passionnées. Malgré l’agrément qu’il pouvait espérer d’un tête-à-tête souhaité avec (...)
10 décembre 2012, par Charles Müller,
Paul Reboux
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Albes draps, repos calme, ô chambre Où je rentre au Quartier Latin, Ce soir, bien plutôt ce matin ! Soir, matin, en tout cas : décembre.
Les habits sont jetés par-ci Par-là, puis le sommeil me hante. Mais quelle odeur fragre, flagrante, Berçante, alliciante aussi ?
Parfum des extases anciennes, Est-ce, fades mais grisants, vous Qui cernez de tourbillons fous Mon âme, ô vol des amours miennes ?
Non. Vraie est cette exhalaison De senteurs pas trop définies. Elle sort de mes mains unies Pour la très (...)
16 novembre 2012, par Charles Müller,
Paul Reboux