L’éditeur belge Onlit a publié en mars Un Humour impossible de Christine Anglot, avec un l comme littérature. Sous-titré « Autofriction du nombril ». Et c’est très drôle.
Bien entendu, ce livre est un pastiche-parodie de Christine Angot, sans l comme littérature. Il est l’œuvre de Fabrice Del Dingo, « écrivain, pasticheur, naigre », comme il se définit lui-même. On lui doit, entre autres, La tarte et le suppositoire signé Michel Ouellebeurre (Fallois, 2011) et surtout Rentrée littéraire (Lattès, 1999), recueil de pastiches.
Un humour impossible est l’occasion de s’attaquer à une auteure à succès souvent raillée pour son style, le nombrilisme et le glauque de ses livres. Écrivant à la première personne, l’auteure nous donne les clés pour comprendre sa conception du roman :
Mais c’est comme ça que j’écris : avant le début du livre y a rien, au milieu y a pas grand-chose et la fin est nulle.
Puis elle nous indique l’élément majeur de sa motivation :
Quand j’écris un livre, je compte les ventes du livre précédent. Ça me stimule. Penser qu’on puisse acheter mes platitudes m’incite à en écrire d’autres
Plus loin, l’auteure s’étonne qu’on puisse acheter ses livres. Et même les lire.
Un Humour impossible est truffé de jeux de mots pourris, par exemple :
Puis il lui a fait croire qu’il l’épouserait plus tard : mariage heureux, mariage plus vieux !
Et quand le pire du style rejoint la blague à deux balles :
Donc quand je dis je, moi, la narratrice, Christine c’est la petite fille mais c’est plus la petite fille parce qu’elle, je, moi, en fait est devenue moins petite, elle est une préadolescente, parce qu’elle va bientôt avoir mes règles. Pas mes règles de français, bien sûr, celles-là je le ai jamais eues. Mais les autres, là, je les ai. Comme le temps pax !
Vous l’avez compris, Christine Anglot, c’est le pire de Christine Angot. Pour apprécier le travail de pasticheur de Fabrice Del Dingo, on vous conseillera la lecture de la première page (plus, ce serait de la gourmandise) d’Un amour impossible. Elle avait beaucoup circulé sur les réseaux sociaux au moment de sa parution. Rappelons néanmoins que ce livre a obtenu le Prix Décembre 2015.
Mais il serait réducteur de considérer cette parodie comme une simple charge contre Christine Angot. Elle n’est finalement qu’un dommage collatéral. Car c’est avant tout la critique de tout un système où les éditeurs et les médias jouent le jeu du buzz pour vendre, et où les lecteurs consommateurs deviennent les complices malgré eux de l’appauvrissement littéraire.
En poussant l’absurde jusqu’au bout, Del Dingo fait écrire à Anglot :
c’est important qu’il y ait des lignes dans mes livres, sinon y a rien et mon éditrice est pas contente : si c’est nul c’est pas grave elle me dit mais si y a rien ça va finir par se voir.
L’éditrice n’est ainsi pas épargnée, plus loin encore :
C’est illisible elle me dit c’est pour ça que Télérama adore. Ça ressemble à leur grille de programmes personne y comprend rien
On peut regretter la couverture médiatique d’ouvrages tels que ceux de Christine Angot, on peut s’offusquer de l’inanité de cette prose, de son manque d’inventivité littéraire, du nombrilisme exacerbé des écrivains, de l’usage approximatif du français, de la complicité de médias pseudo-intellos, mais on peut aussi préférer s’en moquer, voire d’en rire. Dans ce cas, on vous recommande la lecture d’Un humour impossible. Vous rirez, à n’en point douter.
FG
Christine Anglot, Un humour impossible, Onlit, numérique : 3,99 euros, papier : 8 euros, 64 pages.