Lever, tel du bon pain, à une heure située entre minuit et six heures, ce qui laisse une certaine marge de manœuvre pour pouvoir dialoguer sereinement avec sa femme. Puis, d’un pied alerte, dans la foulée, si j’ose dire, la cérémonie du café sur le balcon, qui s’apparente, mais de très loin, à l’annonce que habemus papam et qu’il est pas encore tout à fait prêt à discourir.
Ablutions furtives dans le plus proche ruisseau. À défaut de ruisseau, bataille de pistolets à eau dans la chambre des enfants endormis. La bonne humeur est inconcevable sans un certain élément de surprise.
Les choses sérieuses commencent avec la caresse à l’ordinateur. Lecture des informations, compte précis des morts sur toute la planète durant la nuit, étude rapide mais jouissive des cours de la Bourse. Enfin, courrier. Avec un bon coupe-papier, ouverture des mails en souffrance, ce qui est somme toute cohérent.
Trois minutes suivent, entièrement consacrées à l’écriture du chef-d’œuvre en cours. Puis vingt secondes pour la relecture, et deux heures d’autosatisfaction béate, mais néanmoins fructueuse.
Coup de fil obligatoire à la banque pour leur rappeler qu’un écrivain est plus un découvert qu’une découverte.
Midi, repas frugal dans un restaurant gastronomique avec des critiques littéraires du siècle dernier.
L’après-midi est un moment sacré, mais surtout païen. Une sieste régénératrice permet à l’écrivain de faire le point sur l’étrange parenté entre les rêves et les mouvements de vente de ses livres.
Mais déjà tombe le soir. L’angoisse s’installe, la télé ne s’allume pas. Il faut revenir au dur labeur d’écriture, qui consiste en un travail immodéré du coude afin de rendre plus aisé le maniement du clavier.
Quand les yeux se ferment, c’est bon signe. Il est temps de mourir à soi-même afin que la littérature ait une chance, même infime, de ne pas sombrer dans la surenchère.