Dans le palais de jade où tu tisses tes, rêves,
Ô mon spleen, je contemple, en fumant le houka,
L’étrange accouplement qui rapproche deux Èves :
La géante Chum-Chum, la naine Sélika.
Chum-Chum vient de la Chine et Sélika d’AfrIque,
L’une, jaune, est pareille à quelque énorme coing,
L’autre est couleur de nuit, Sapho microscopique,
Et leur disparité s’oppose et se conjoint.
De la gloire pourtant leur entr’ouvrant la porte,
Je peux les égaler à ces affreux dragons
Qu’un amour de poète en son sillage emporte
Comme un char enflammé traîne de vieux wagons :
Elvire, ange égrotant, insalubre maîtresse
Qui vomit un poumon à chaque mot d’amour,
Squelette à peau tendue, et dont, sous la caresse
Le thorax décharné sonne comme un tambour.
Cassandre, Hébé des champs, rinceuse de vaisselles
Qui captiva Ronsard en lui nouant au cou,
Parmi des puanteurs suffocantes d’aisselles,
De ses seins pendillants le collier tiède et mou.
Laure, vase béat, dont un lyrique chantre
Illustra la pudeur en immortels accents,
Quand, obscène bourgeoise, elle étalait un ventre
Éternellement plein de fœtus bondissants.
Béatrice, succube affreux, que les Vampires,
Les Stryges, les Démons, les Larves, les Maudits
Chassèrent, dégoûtés, et qui, de leurs empires
Roula de chute en chute au fond du Paradis !
Abominables sœurs de ces inspiratrices,
Ignobles alambics d’où coule un vin sacré,
Chum-Chum et Sélika, gorgez-moi de vos vices
Et saturez d’oubli mon cœur désespéré !
Poursuivez âprement votre âpre jouissance,
Flagellez-vous du fouet, du stick et du bambou,
Et de ses aiguillons que la concupiscence
Larde vos corps tordus comme du caoutchouc.
Et puissiez-vous un jour dans votre hymen immonde
Où la hideur s’accouple à la lubricité,
Engendrer sous mes yeux, épouvante du monde,
Le monstrueux enfant de la stérilité !