Comme c’est agaçant ces méthodes de racolage dont usent et abusent les éditeurs ! Prenons Léo Scheer : décembre 2012, publication d’un poème d’Arthur Rimbaud intitulé La Chasse spirituelle avec une postface de 400 pages écrite par Jean-Jacques Lefrère. De qui se moque-t-on ?
La Chasse spirituelle a été initialement publiée par le Mercure de France, en 1949. Maurice Nadeau, berné par Pascal Pia entre autres, croyait tenir là le poème « disparu » de Rimbaud. L’habile André Breton utilisera la supercherie pour régler des comptes avec Nadeau.
En fait, La Chasse spirituelle est un pastiche écrit par deux théâtreux, Akakia Viala et Nicolas Bataille, qui voulaient ainsi se venger d’une critique assassine de leur adaptation d’une Saison en enfer. Pour que leur coup marche, ils n’ont pas écrit n’importe quel pastiche mais un poème qu’ils ont présenté comme celui dont parle Verlaine dans sa correspondance, un poème que sa femme aurait fait disparaître lorsqu’il était à Londres avec Rimbaud.
Plus de 60 ans ont passé, comment Léo Scheer peut-il justifier de publier ce livre sous le nom de Rimbaud ? Et j’aimerais bien savoir à qui sont versés les droits d’auteur, tiens.
Je ne sais pas encore si je vais acheter ce livre. Je ne doute pas qu’il soit passionnant : la postface est une enquête autour de ce texte mythique que les spécialistes espèrent toujours voir apparaître un jour. En général, c’est pas triste avec les collectionneurs et les experts de Rimbaud : ça se bat sur les dates, ça juge les thèses des collègues « imbéciles », etc. Ce qui me rappelle cette histoire du sonnet de Baudelaire au centre du roman de Georges Flipo, La Commissaire n’aime point les vers, dont on a parlé sur ce site.
La Chasse spirituelle, d’Arthur Rimbaud (sic), éditions Léo Scheer, 448 pages, 25 euros.
FG
PS : la photo illustre l’édition 1949 de la Chasse spirituelle, au Mercure de France. Le lien à la fin de l’article renvoie à celle de Léo Scheer.