Le pastiche de Virginia Woolf, Clafoutis grand-mère, par l’auteur anglais Mark Crick est tiré son recueil La Soupe de Kafka, Flammarion 2006, (J’ai lu 2008). C’est le premier tome d’une « trilogie domestique » comme l’appelle lui-même l’auteur : la cuisine donc avec La Soupe de Kafka (Kafka’s soup), le bricolage avec La Baignoire de Goethe (Sartre’s sink, bizarre la traduction ici) et pour finir le jardinage Le Jardin de Machiavel (Machiavelli’s Lawn). En novembre 2011, son éditeur anglais a réuni les trois livres en un, The Household Tips of the Great Writers (pas encore disponible en français).
Mark Crick parle très bien le français (il a étudié au lycée Condorcet), mais il n’a pas traduit lui-même ses recueils, faisant appel à une pléiade d’écrivains. Et le choix des traducteurs est primordial, surtout quand l’auteur pastiché n’écrit pas en anglais, prenons un exemple. Gabriel García Márquez écrit en espagnol, il est traduit en anglais, puis Mark Crick le pastiche, toujours en anglais : on peut craindre que la traduction en français du pastiche soit éloignée du style initial. C’est pourquoi l’éditrice a demandé à un traducteur français de García Márquez de traduire le pastiche. On trouve ainsi beaucoup de traducteurs en français des auteurs pastichés, mais aussi des écrivains, telle Eliette Abécassis qui a elle-même déjà pastiché Kafka (Mark Crick a depuis illustré son ouvrage le Messager).
La Soupe de Kafka rassemble 16 recettes à la manière de 16 auteurs de toutes nationalités et de toutes époques. Les textes sont très drôles : un cercueil sert de table basse pour déguster un gâteau chez Irvine Welsh, Chandler prend un nerf de bœuf à la place d’un fouet pour « tabasser les grumeaux », K. prépare-t-il une soupe pour des invités ou des jurés... On retrouve bien entendu des éléments des auteurs, pour reprendre l’exemple de García Márquez, la mulâtresse et le bruit de l’urine rappelleront l’Amour aux temps du choléra du prix Nobel. De même pour le style : le tiramisu de Proust nous ramène à Combray, avec ses longues subordonnées au subjonctif (im)parfait, ses appels à la peinture pour la description. Et pour bien faire, Mark Crick a illustré chaque pastiche littéraire par un pastiche visuel, comme le soupe de Kafka de cet article à la manière des Campbell’s Soup Cans d’Andy Warhol.
Pour résumer : des pastiches de qualité, préparés par un chef étoilé.
FG
Illustration : Mark Crick