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À Sacha Guitry
Je me souviens que Swan devait dîner ce soir-là chez les Verdurin, quand, vers six heures, un billet d’Odette de Crécy l’informa qu’elle souhaitait passer la soirée avec lui, pour qu’ils entendissent ensemble le ténor varsovien Skotchviski dans son interprétation du rôle de Tristan, car, assurait-on, nul autant que ce Polonais n’en avait mieux rendu, selon la tradition wagnérienne, les nuances passionnées. Malgré l’agrément qu’il pouvait espérer d’un tête-à-tête souhaité avec (...)
10 décembre 2012, par Charles Müller,
Paul Reboux
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– Allô ? Patrick ? – Lui-même. – Maryse à l’appareil. Tu te souviens de moi ? – Oui. – Ça fait longtemps, hein ? Tu es libre ce soir ? – Heu… oui.
Je n’ai pas osé lui refuser ce rendez-vous devant la gare d’Orsay. Maryse. Mais quel était son nom ? Elle faisait partie de notre groupe autrefois lorsque Mocroy, Sanchez, Masoure et moi transportions les valises des voyageurs, gare Saint-Lazare, pour nous faire de l’argent de poche. Je ne l’avais pas revue depuis l’accident de Sanchez. Que me voulait-elle à (...)
3 décembre 2012, par Pascal Rongveaux
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C’est à cause du clair de la lune Que j’assume ce masque nocturne Et de Saturne penchant son urne Et de ces lunes l’une après l’une.
Des romances sans paroles ont, D’un accord discord ensemble et frais, Agacé ce cœur fadasse exprès, Ô le son, le frisson qu’elles ont !
Il n’est pas que vous n’ayez fait grâce À quelqu’un qui vous jetait l’offense : Or, moi, je pardonne à mon enfance Revenant fardée et non sans grâce.
Je pardonne à ce mensonge-là En faveur en somme du plaisir Très banal drôlement qu’un loisir (...)
28 janvier 2013, par Paul Verlaine
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C’est un large fauteuil — Louis quinze peut-être — Il est là dans un coin avec des airs de veuf Son beau reps jaunissant n’est plus tout à fait neuf, Et son bois très ancien fleure encor bon le hêtre.
Que fait-il esseulé, ce vénérable ancêtre Qu’éclaire la lueur sourdant d’un œil de bœuf ? Son dossier disparaît dessous un drap d’Elbeuf Et ses bras sont tendus, semblant chercher un maître.
Il se souvient, c’est sûr, des grands postérieurs, Des bandes de gamins sautant sur lui, rieurs, Des fessiers de marquis, (...)
3 janvier 2016, par Jean Calbrix
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Le soleil éclairait la moitié nord du rectangle de pelouse vert sombre que le mois de juillet avait rehaussé des fleurs de trèfle blanches aux têtes pointillistes tandis que la zone sud était rafraîchie par l’ombre du hangar de briques orange, sales, cuivrées, dont la haute porte coulissante de bois goudronné était fermée, les trois autres côtés de la pelouse étaient clos par du grillage plastifié tressé en losanges, nu de toute végétation ornementale et formant une fragile frontière avec un champ de blé (...)
18 juin 2019, par Joachim Séné