Marianne Desroziers, nouvelliste, blogueuse littéraire, bibliothécaire près de Bordeaux. Elle dirige aussi l’Ampoule, revue littéraire numérique et gratuite, des éditions de l’Abat-Jour.
J’étais arrivée en Cornouailles avec les enfants par le train du matin ; j’avais passé les deux heures du trajet le nez dans mon livre, de peur de croiser leurs regards mais, une fois sur le quai, je vis leurs trois paires d’yeux subrepticement traversées par l’ombre du regard noir de leur père. J’étais assaillie des souvenirs du pique-nique de l’année passée – le verre cassé, la nappe blanche maculée de vin, le ballon emporté par le courant du fleuve –, c’était le dernier été de James.
Ce ne fut pas ma (...)
X
Pilou est mort.
J’écris cette phrase. Et je n’oublie pas le point.
Ça fait dix mois que Pilou est mort. Dix mois maintenant.
Mon mari est agent immobilier. Ma meilleure amie est enceinte : jusqu’aux yeux comme on dit. C’est bête mais on dit ça. Les deux faits n’ont rien à voir ; je veux dire les deux propositions « mon mari est agent immobilier » et « ma meilleure amie est enceinte » n’ont qu’un lien ténu, voire pas de lien du tout.
Je dis n’importe quoi, je ne devrais pas (...)
Rien.
Sinon une quiche lorraine.
Les petits lardons d’une épaisseur inférieure ou égale à trois millimètres égayent une garniture dorée à souhait et légèrement gonflée, comme par un désir. La pâte brisée nargue les vol-au-vent situés à trente et un centimètres et demi du bord gauche de l’assiette plate en grès dans laquelle elle repose, tandis qu’à son côté gît une salade alanguie. Monsieur la mélangera peut-être avec une cuillère et une fourchette en bois. Grand bien lui fasse. Du vin rouge, situé à un angle de (...)