Bien que la rue ne fût que lointainement éclairée par un crachotant réverbère – comme si la fée électricité, qui venait à peine de naître, avait trouvé ici l’endroit idoine pour témoigner de son encore fragile constitution – les abords de l’établissement paraissaient rutiler de tous les avatars d’une joie sombre : un frisottis de chuchotements hilares, des paires de regards doucement étonnés et comme suspendus dans l’ombre au-dessus des bornes pompières et des poubelles blottissant dans leurs alentours de jeunes et fringants petits tas d’immondices, des sourires dont la franche énigme ressortissait à l’évidence de la consommation excessivement diverse de tous les psychotropes qu’on pouvait se procurer dans les rues avoisinantes de Mall Mall, desquelles la géométrie fractale constituait ce que les fêtards de Delivery, clignant avec connivence de l’œil gauche tout en haussant le sourcil droit, désignaient du suggestif surnom de PMS (powders méga saloon).
– Vous allez voir, dit Pedgie Penson.
– Ça promet, répondit par-dessus son épaule la haute stature de Krank, surtout si ce qu’on verra est proportionnel à ce que, jusqu’ici, nous nous échinons à ne pas voir.
– Ou finalement ne voyons pas, ajouta Timburn Staatwood tout en lorgnant de façon péremptoire sur la découpe noir sur noir d’un couple enlacé stochastiquement.
À l’intérieur du Woo-Woo-Waouh l’ambiance brumeuse se construisait paisiblement, comptant sur ses placidité et plasticité habituelles, toutes deux conduisant la clientèle du lieu à tirer, avec des bonheurs réels ou relatifs, toutes les ficelles possibles du grand et putatif n’importe quoi. On distinguait au travers de la fumée des cigares ou réputés tels des bourgmestres à gilet et pantalons à sous-pieds rampant sur le dos pour récupérer leur bowling-hat que remplissaient à grands jets roboratifs de jeunes égéries écartant leurs tendres jambes gainées de bas de coton, versant au hasard, derrière leur dos et de la main gauche le contenu d’une bouteille de Pisang Ambon (http://www.pisangambon.com, Please verify your year of birth, 1901, ENTER, Choose your favourite Pisang Ambon mix) tandis que la droite soulevait le pan de devant de leur robe des dimanches, comme pour former l’entrée d’une grotte plaisante et hasardeuse, des ouvriers en bleu de chauffe qui jouaient au pied-de-fer et se colletaient fermement afin d’en établir une bonne fois pour toutes les règles, des solitaires se pêchant mutuellement leur poisson rouge, des joueurs de dominos ronflants, des prosélytes du Grand Destin de la Petite Couronne déjà montés sur les tables et n’entendant aucunement, et sous aucun prétexte, en redescendre avant le petit matin. Sans parler des curieuses combinaisons d’alcools et de sirops que le cosmopolitisme ambiant, déjà passablement éméché, commandait continûment au bar comme pour décliner de cette virtualité la gamme la plus large, Chartreuse und Sekt, côtes-du-rhône cu slivović, maté de bourbon, etc. Whisky-coca et Cuba Libre divers. Jalmes s’en tirait toujours avec un certain brio.
Bien que la rue ne fût que lointainement éclairée par un crachotant réverbère – comme si la fée électricité, qui venait à peine de naître, avait trouvé ici l’endroit idoine pour témoigner de son encore fragile constitution – les abords de l’établissement paraissaient rutiler de tous les avatars d’une joie sombre : un frisottis de chuchotements hilares, des paires de regards doucement étonnés et comme suspendus dans l’ombre au-dessus des bornes pompières et des poubelles blottissant dans leurs alentours de jeunes et fringants petits tas d’immondices, des sourires dont la franche énigme ressortissait à l’évidence de la consommation excessivement diverse de tous les psychotropes qu’on pouvait se procurer dans les rues avoisinantes de Mall Mall, desquelles la géométrie fractale constituait ce que les fêtards de Delivery, clignant avec connivence de l’œil gauche tout en haussant le sourcil droit, désignaient du suggestif surnom de PMS (powders méga saloon).
– Vous allez voir, dit Pedgie Penson.
– Ça promet, répondit par-dessus son épaule la haute stature de Krank, surtout si ce qu’on verra est proportionnel à ce que, jusqu’ici, nous nous échinons à ne pas voir.
– Ou finalement ne voyons pas, ajouta Timburn Staatwood tout en lorgnant de façon péremptoire sur la découpe noir sur noir d’un couple enlacé stochastiquement.
À l’intérieur du Woo-Woo-Waouh l’ambiance brumeuse se construisait paisiblement, comptant sur ses placidité et plasticité habituelles, toutes deux conduisant la clientèle du lieu à tirer, avec des bonheurs réels ou relatifs, toutes les ficelles possibles du grand et putatif n’importe quoi. On distinguait au travers de la fumée des cigares ou réputés tels des bourgmestres à gilet et pantalons à sous-pieds rampant sur le dos pour récupérer leur bowling-hat que remplissaient à grands jets roboratifs de jeunes égéries écartant leurs tendres jambes gainées de bas de coton, versant au hasard, derrière leur dos et de la main gauche le contenu d’une bouteille de Pisang Ambon (http://www.pisangambon.com, Please verify your year of birth, 1901, ENTER, Choose your favourite Pisang Ambon mix) tandis que la droite soulevait le pan de devant de leur robe des dimanches, comme pour former l’entrée d’une grotte plaisante et hasardeuse, des ouvriers en bleu de chauffe qui jouaient au pied-de-fer et se colletaient fermement afin d’en établir une bonne fois pour toutes les règles, des solitaires se pêchant mutuellement leur poisson rouge, des joueurs de dominos ronflants, des prosélytes du Grand Destin de la Petite Couronne déjà montés sur les tables et n’entendant aucunement, et sous aucun prétexte, en redescendre avant le petit matin. Sans parler des curieuses combinaisons d’alcools et de sirops que le cosmopolitisme ambiant, déjà passablement éméché, commandait continûment au bar comme pour décliner de cette virtualité la gamme la plus large, Chartreuse und Sekt, côtes-du-rhône cu slivović, maté de bourbon, etc. Whisky-coca et Cuba Libre divers. Jalmes s’en tirait toujours avec un certain brio.
– D’abord tu malaxes au shaker, toujours au shaker, expliquait-il à Blueberry Stones, et puis encore tu malaxes, tu malaxes...
– Et..., interrogeait Blueberry.
– Eh bien, ce qui est important, c’est ça. C’est le show. Malaxer.
– Tu veux dire que tu en as marre de te taper toujours les mêmes conneries ? demanda B.
– Oui, confessa James tout en secouant avec énergie un soda choucroute-vanille et son gin que bleutait une pointe de curaçao, puis bordant de sel fin le pourtour d’un verre humide. Show must go on.
– T’as raison. Fais-moi donc Le-truc-que-tu-sais-et-que-je-ne-dirai-pas, avec beaucoup de chili et un parasol vert dessus.
– Pa ni po’bem, malaxa Jalmes.
Pergolette Simpson les reçut sans fastes particuliers, même si la fumée qui s’était subrepticement introduite dans son salon personnel les empêcha d’arriver à un commun accord sur ce point. Elle leur apparut toutefois, du moins dans ce qu’ils relatèrent par la suite, comme nimbée de tous les atouts intellectuels de la pensée suppressionniste.
– Oui, leur expliqua-elle du dessous sa mantille, qui paraissait situer son regard dans une sorte de troisième espace, plus doux et comme fermé par une grille après tous ceux de l’ombre et du brouillard, la théorie peut s’énoncer de façon simple pour qui s’est décidé à la comprendre. Et si je devais user d’un raccourci, je dirais qu’elle est quantico-kantique par essence, et non par assonance. Emmanuel s’y allie à Max pour contredire Albert, même si l’histoire se révèle somme toute plus complexe que cela, ne serait-ce parce que contradicteur et contredit s’y épaulent l’un l’autre, comme dans l’article de 1905...
– J’allais le dire, interrompit Xian P’i Tong.
– ... mais encore parce que cette théorie n’est pas le fait d’un seul, et je ne citerai que pour mémoire Niels, Paul, Louis, Werner, Camille, Wolfgang, Erwin...
– C’est toujours mieux quand on est entre potes, chercha à convaincre l’assistance Abd-el-Van Gipperson-Trudett, même si tout ça sent à plein nez son franco-germanisme.
– ... Mais enfin, de quoi nous parle-t-on, si ce n’est d’une espèce d’évidence ? Avec le Big Bang, l’astrophysique pose l’existence d’un univers borné, non seulement dans l’espace mais dans le temps. Or Kant, dès le XVIIIe siècle, a bien expliqué dans ses apories que l’esprit humain était incapable de raisonner sur ces termes. Je veux dire, et bien que ce sujet soit abordé plus loin dans La Critique...
– der Reinen Vernunft, précisa Judith Kant-Sperber.
– ... que cette aporie découle du constat des jugements synthétiques a priori, lesquels posent que l’espace et le temps n’existent pas de manière concrète dans l’univers, mais se résument aux grilles de déchiffrement – Pergolette ici fit subtilement plisser d’un ongle sa voilette – de la chose...
– Ou noumène, par opposition à phénomène, ne put s’empêcher d’ajouter JKS.
– ... auquel l’esprit humain est confronté. Et donc, si l’on y réfléchit bien, dire que l’espace possède une fin, voire de façon plus cocasse le temps un début, oblige d’utiliser des référents spatiaux et temporels qui eux-mêmes supposent l’existence du temps et de l’espace pour être conçus...
(Émergèrent à ce moment précis du discours de Pergolette nombre de pouffements aussitôt réfrénés dans l’assistance, sans parler du « Qu’ils sont bêtes » que proféra fermement un apprenti barman.)
– ... ce qui ne peut être admissible et démontre en retour la pertinence des vues d’E. K. Ceci étant, nous ne condamnons pas la mécanique quantique, bien évidement, simplement prétendons-nous savoir ce vers quoi au terme de ses calculs complexes elle va nous mener : la contemplation des limites du regard de l’homme, interrogé non par la bécasserie de l’immense, mais par la subtilité de l’infiniment petit. Bref, une sorte d’ultime miroir, ou surface narcissique, qui piégera bellement le trublion à diplômes venu s’y mirer. Il faudra alors concevoir une société dite de progrès, qui au final fabriquera à coup de milliards collectifs et d’électro-aimants une sorte d’infra-particule dans laquelle il est clair que certains doctes ne verront jamais que leur petite bobine, tout en publiant des articles sur le sujet à la seule fin d’assurer leurs fins de mois. Et compte tenu du coût de leur dernière installation...
– 500 millions de livres sterling, mais ça dépend du change.
– ... nous nous pensons légitimes à récupérer la somme...
– D’autant que ce truc n’est jamais qu’une boucle, ajouta quelqu’un, un truc qui revient à son point de départ, avec des choses accélérées en son dedans disent-ils, mais à son point de départ tout de même. Appellent ça le Centre Epistémologique de Rénovation Nouvelle, sans craindre le pléonasme. Imaginez une compagnie de bus municipaux prétexter de ce slogan ?
– C’est vrai, ça, 500 Kplaques british juste pour démontrer que l’énergie est matière...
– C’est comme de payer 10 francs pour faire La Motte-Piquet - La Motte-Piquet en passant par le Trocadéro.
– ... alors qu’on sait déjà tout ça chez les suppressionistes, puisque nous avons décidé de supprimer de toutes les formules de physique l’espace et le temps, et donc la vitesse, et que donc notre position est que e n’égale pas mc2, mais juste m.
– Mais qu’ils sont cons, dit le barman.
– Idiots peut-être pas, ajouta Pergolette, juste sans doute un peu fatigués, de sorte qu’abscons rime avec subventions, mais vous le savez comme moi, à l’heure actuelle, à force de confondre communication et contenu, tout devient subliminal.
– Quantique, s’osa à rire quelqu’un.
À ce trait d’esprit ils ne purent qu’entonner leur chant fédérateur :
plus jamais il n’ira pleurer,
Ils disent qu’il ne mange pas,
et que plus jamais il ne se contentera que de la picole.
Ils jurent que le ciel même
à entendre ses larmes se sent moins vaste.
Comme il a souffert pour elle,
comme il l’a appelée jusque dans la mort
Ay, ay, ay, ay, ay... chantait-il,
Ay, ay, ay, ay, ay... gémissait-il,
Ay, ay, ay, ay, ay... chantait-il,
Il est mort... de passion mortelle.
Cucurrucucu... paloma,
Cucurrucucu... no llores,
Jamais à coup de pierres, jamais, paloma.
Qu’est-ce qu’ils savent de l’amour
Cucurrucucu... cucurrucucu...
Cucurrucucu... paloma, ne pleure plus.
Le rideau de la petite scène devant laquelle était assise Pergolette se leva, et l’équipe au complet des Crazy Cousettes leva la patte en un paresseux cancan dont le côté licencieux était tempéré par la rugosité et l’hermétisme absolu de leur combinaison de sous-marinières.
Après avoir scruté les alentours, lesquels ne présentaient ce soir-là, comme à l’accoutumée, aucune particularité notable si ce n’est de s’avachir dans un silence certes çà et là modulé par le ronflement innocemment puissant d’un docker – mais qui aurait tout aussi pu bien préluder à quelque anonyme énucléation, ou strangulation, ou éviscération, ou cast..., etc. et de bas en haut –, Plaine Google fit avancer Grande Requine sur les pavés inégaux des docks. L’appaloosa ouvrit les naseaux comme pour mieux se convaincre que l’eau huileuse du port menait effectivement vers la mer. Clip clop ! Plaine procéda un temps à cette allure, longeant la rouille improbable et les proues hiératiques des grands pétroliers grecs comme des céréaliers ukrainiens, entre lesquels chahutaient les barcasses en bois + peinture du commerce local. Des câbles enjambaient et reliaient des espaces, des grues ce soir à l’agonie et le bec dans le cou dormaient sans lendemain sur une patte, des stocks de toutes marchandises du monde se rêvaient au chaud dans leurs filets de corde, et seuls les rats donnaient du mouvement à la scène, parfois, comme la peau d’un lion vibre dans son sommeil pour déranger une puce.
À la bite 3742, holà !, descendit Plaine et gratifia Requine d’une tape sur l’antérieur droit.
– Je t’amarre pas, juste je te bride, dit-elle à la jument, mêlant gentiment le petit nuage de son souffle au sien.
– Non, juste tu me prends pour une gourde, pensa Grande.
Plaine récupéra les palmes qu’elle avait roulées à l’arrière de la selle, se saisit des fontes qui contenaient ses impedimenta, puis s’essaya à chuchoter fortement vers l’eau glauque. GR hennit.
– Ça va, ça va, éructa après un grincement cacochymique un soupirail d’acier. Amène-toi vite fait chérie, parce que tu sais, ici, le bruit, ça dérange même ces messieurs les barons de la drogue.
En trois pas et deux sauts, Plaine lança son matériel dans l’opercule du sous-marin, Timber ! puis s’y glissa pour en dévaler l’étroite échelle métallique glissando, pour le plaisir, ses pieds à bottines et ses mains gantées enserrant l’extérieur des montants juste ce qu’il fallait pour contrôler sa chute.
En fois en bas, elle s’en alla embrasser toute l’équipe. Les Crazy Cousettes lui rendirent bises sur bises. On n’en finissait pas. Dans les poufs roses du submersible eurent lieu force câlineries, le kir framboise aidant on n’en finissait que difficilement au milieu des vannes et des tuyaux, mais bon, le départ dans les tréfonds n’était fixé qu’après la réception des ordres, et donc dans l’attente, tralaboum et youp-là.
– M’est avis, dit sombrement Albertine tout en contemplant fixement les trois chrysanthèmes qu’on avait fiché souplement dans une douille du mortier de pont, que ce coup-ci ils vont nous demander d’atteindre des profondeurs abyssales. À croire que toucher la limite, dans leur cognitus, n’est jamais suffisant. Comme s’ils attendaient qu’on explose pour de vrai à la seule fin de rajouter un alinéa ter objectif à l’article 432 de leur foutu règlement.
– Tout ça, c’est faute à la dérive, ajouta-t-elle après avoir vidé son verre. Un autre, Rosita.
– La dérive de quoi ? s’inquiéta Plaine, dont le passé proche ne plaidait pas en la faveur du puritanisme ambiant, là-haut, à la surface.
– C’est ces abrutis de Bell & Co. Sans parler de ce gros débile de Wegener. Et de la confrontation de leurs exploits respectifs : les uns posent un câble sous-marin transatlantique, et l’autre en profite pour pondre recta un article pertinent à l’extrême sur la dérive des continents. Toutes ces infos ont naturellement remonté à la direction, trois centimètres d’écart par an et en plus par-dessus la dorsale, le foutu machin va péter dans pas très longtemps. Et adieu les « bonjour tatie Zirma quel temps fait-il à Poznam ? », et le pognon qui va avec. Autrefois, on nous aurait demandé de rabouter un tronçon sectionné par les terroristes, mais là, c’est pas la guerre des gangs, c’est la lutte contre la tectonique des plaques. Un sacré bordel, je vous dis que ça.
– Bof, dit Plaine, ne pas pouvoir recoudre la Terre, c’est pas si grave que ça, mais du moment qu’on plonge super profond, moi, ça me botte.