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Le pamplemousse

jeudi 4 septembre 2014, par Maëlle Levacher

Il doit être pelé comme une orange, pour être comme elle mangé en quartiers, il supporte mal d’être fendu par la lame, sous laquelle il fond en hémorragie. Le sanguin est hémophile plus que le jaune. Pelé comme l’orange, il présente à sa surface les horripilantes franges qui sèchent et rebiquent sur le dos des coulemelles. Technique, le pouce s’enfonce en son axe et l’écartèle en demi-sphères. Au moment de la scission, que les enveloppes de deux quartiers mûrs adhèrent l’une à l’autre, et l’une se décollera de sa propre chair, emportée par l’adhésion. Aux dents alors de curer la plaie en emportant le quartier défait, ruisselant de son déchiquètement.

Il a fermenté, et il se cache, soûl et effondré sur lui-même, sous son molleton dont l’endroit est lissé d’un glacis piqueté. Mais il s’est oublié : une auréole blanche et vert-de-grisée dénonce ses excès. Ça semble de la poussière, mais la plus faible pression du doigt imprègne le vert-de-gris d’une humidité sous-jacente, et cette humectation fait exploser l’âcreté acide de l’effluve, indiquant l’avancement de la décomposition du cœur fondant. Mais il se conserve en lui-même, lui qui, jeune, vous eût vivement craché au visage, vous eût criblé de son essence brûlante.

Pelé comme une orange, il est lourd et amer, doux sous la phalange mais agressif à l’écorchure, il brûle et coule à flots. Bref, il l’emporte, brutal et baroque, sur l’orange et, moisi, il pue plus fort qu’elle ; en cela encore il est plus fort.

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