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Le métro ivre

lundi 10 octobre 2011, par Joachim Séné

Comme je descendais de Javel à Passy,
Je ne me sentis plus Môquet par les Pasteur,
Des peaux-rouges criards les avaient Pernety,
Les ayant Cité nu aux Monceau de couleurs.

Gaîté insoucieux de toutes Olympiades,
Jussieu de blé Morland ou Mouton-Duvernet,
Quand avec mes Pasteur a prit fin l’Esplanade,
Pont-Neuf m’a laissé descendre à Arts et Métiers.

Dans le Parmentier lent furieux des Pyrénées,
Moi, l’autre hiver plus Robespierre que Défense,
Je courus, et tous les Robinson démarrés
N’ont pas subi Danub’-Cluny-Radio France.

La tempête à Bagneux mes éveils Argentine,
Plus léger qu’un Avron j’ai dansé sur Drouot,
Qu’on appelle Montreuil éternel Port’-Dauphine,
Sans regretter le Saint-Gervais de ces falots !

Plus Bourse qu’aux enfants Bel-Air des Réaumur,
Chemin Vert pénétra ma Hoche de sapin,
Des tâches de Saint-Émilion et de Ségur,
Me lava, dispersant Raspail et les Pantin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Commerce
De l’Anvers, Austerlitz en sa Gare et Plaisance,
Dévorant les Falguière, où, flottaison Denfert
Et Bercy, un Pel’tier pensif : Anatol’ France.

Où, teignant Caulaincourt, les bleuités d’Issy
Et de Brochant, sous les rutilements Goncourt,
Plus fortes que l’alcool, plus vaste que Choisy,
Fermentent les Bonne-Nouvelle à Tour-Maubourg !

Je sais Jussieu crevant en Pereire et les trombes,
Les ressacs à Lagrange ; et je sais que l’Étoile
D’Aubervilliers n’est pas qu’un Temple Daubenton,
Et j’ai vu parfois ce que Rome a de Pigalle.

J’ai vu le soleil bas, tâché de République,
Illuminant des Sablons à Rue Des Boulets,
Créteil a des acteurs Wagram très Saint-Philippe
Du Roule : ses Poissonnière ouvrent les volets.

J’ai rêvé Liberté aux neiges de Vill’juif,
Baiser Ménilmontant aux yeux ; Laumièr’, lenteur.
La circulation des Sèvres de Sully
Et l’éveil jaune des Charles de Gaull’ chanteurs.

J’ai suivi des Gob’lin pareils aux Rivoli
Hystériques, Boulogne à l’assaut des Plessis,
Sans songer que les Pierre et les Marie Curie
Pussent forcer le mufle aux Strasbourg-Saint-Denis.

J’ai heurté, jusqu’à Ourcq, d’énormes Pyramides
Mêlant aux fleurs des yeux de Boissière à peaux
D’hommes, des Lamarck tendus comme Saint-Placide
Sous les Maisons Alfort à de glauques Vaneau.

J’ai vu Saint-Germain-des-Près, incroyable nasse
Où pourrit dans l’Odéon tout un Exelmans,
Des Lecourbe d’eau au milieu des Montparnasse
Et des Augustin, vers les gouffres de Louis Blanc.

Glacièr’ ! Jacqu’ Bonsergent ! Iéna creux ! Pèr’ Lachaise !
Échouages hideux, fond de Chaussée d’Antin,
Où les Sentier géants, dévorés des punaises,
Choient de Balard tordus avec de noirs Jasmin.

Jaurès voulu montrer aux enfants l’Esplanade
Du flot bleu, ces Porte Dorée, ces Michel-Ange.
Des Muette de fleurs ont bien Bercy mes Stade
Et d’ineffables vents m’ont ailé Plateau d’Vanve.

Mirabeau lassé des pôles et des Colon-
Nel Fabien, la mer, dont le sanglot Billancourt
Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux Courcelles jaunes,
Et je restais, ainsi que femme à Clignancourt,

Bastille ballotant sur Pell’port Saint-Marcel
Et les Parmentier d’oiseau Cadet au Chardon.
Et je voguais, lorsqu’à travers Louise Michel
Des noyés descendaient Porte de Charenton.

Or moi, Victor Hugo perdu sous les Vaillant
Couturier d’ouragan, dans les Ternes oiseaux,
Moi dont les Molitor et les Villiers Brochant
N’auraient pas repêchés la carcass’ de Marceau ;

Libre, fumant, monté Notre-Dam’-de-Lorette,
Moi qui trouais le ciel de Créteil Préfecture,
Qui porte, confiture exquise à Lafayette,
Des Grenell’ de soleil et Corvisart d’azur ;

Qui courais, taché de Courtilles électriques,
Blanche folle escortée des Campo-Formio noirs,
Quand Juilliotte faisait crouler la Basilique
Des cieux ultra-Joffrin sur ces Rambuteau noirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinq Richelieu,
Le rut des Butt’-Chaumont et des Rennes épais,
Fille du Calvaire aux immobilités bleues,
Je regrette l’Europe aux anciens Marcadet.

J’ai vu à La Chapelle, un sidérant Émile
Zola aux cieux délirants ouverts aux Kléber :
Est-ce en ces Convention que tu dors aux Tuil’ries,
Million de Gar’ du Nord, Ô Duroc ! Ô vigueur !

Mais vrai, j’ai trop Pleyel, les Auber sont navrantes,
Toute lune est Nation et tout soleil Anvers :
Le Billancourt m’a gonflé de La Jolie Mantes.
Ô que Bastille éclate ! Ô Versaill’ à la mer !

Si je désire un Sceaux d’Europe c’est Lagache,
Noire et froide où vers le Saint-Sulpice embaumé,
Un enfant Quai de la Gar’, plein d’Abbesses lâche
Un Chatou frêle comme un Simplon du 8 mai.

Je ne puis, Bagnolet de vos langueurs ma Dame
Des Champs, ôter sillage au porteur de Danton,
Ni traverser l’Argenteuil des Pompe et des flammes
Ni nager sous les Concorde d’Queneau Raymond.

Voir en ligne : Le bateau ivre, sur Wikisource

7 Messages de forum

  • Le métro ivre 11 octobre 2011 15:04, par MO

    Bravo ! Moi Madeleine, armée d’une fourche, j’ai chassé le vaneau de Sèvres à Babylonne en prenant le bac, quelle convention ! J’aurais pu plonger du roc et poursuivre les rennes dans le sentier, pour revenir enfin dans la maison blanche du chemin vert en cette ambiance glaciaire... ni Emile Zola ni Alexandre Dumas ne se sont portés volontaires pour me sortir des sablons d’Argentine et pourtant j’aurais fait la muette devant ce dupleix qui lance des couronnes au Goncourt ...

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  • L’autobus ivre 13 octobre 2011 20:07, par Jean Pellerin

    Comme je descendais une rue impossible,
    Je ne me sentis plus guidé par le chauffeur.
    Des grévistes hurleurs le choisissant pour cible
    L’écartelaient tout nu sur le seuil d’un coiffeur.

    http://www.paradis-des-albatros.fr/...

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    • Le rhapsode ivre 21 octobre 2013 17:36, par Cochonfucius

      Comme je recherchais une rime impossible,
      Je ne me sentis plus guidé dans mon labeur ;
      L’hommage éblouissant que j’avais eu pour cible
      Se retrouvait tout nu et de pâle couleur.

      J’étais insoucieux des césures épiques,
      Des sonnets inspirés d’un madrigal anglais ;
      Quand mon esprit cessa d’envoyer de ses piques,
      Le silence m’a dit tout ce que je voulais.

      Dans les griffonnements farouches de la toile,
      Moi, l’autre jour, plus fou qu’un sonneur d’olifant,
      J’écrivis, et mes vers montaient vers les étoiles
      Quittaient le sol terrestre en Pégases piaffants.

      Et j’ai chanté l’amour du monstre maritime,
      De la grenouille verte au bord de son étang,
      Quand d’un seul coup de foudre ils sont tous deux victimes
      Et que l’amour tragique en chacun d’eux s’étend.

      Je sais l’archange mou que ronge le délire,
      Consommant des alcools aux ignobles parfums
      Dont il croit rallumer la flamme de sa lyre
      Pour chanter la douceur de ses amours défunts.

      Puis il déguste aussi l’absinthe d’émeraude,
      Car il veut enivrer deux âmes dans son coeur
      Celle de l’oiseau-mouche en pleine saison chaude,
      Celle de l’ours polaire au temps du froid vainqueur.

      Alors, le vieux rhapsode, ainsi doublement ivre,
      Avaleur de souffrance et raconteur d’amour
      Entretient de ses vers la vision d’une vouivre
      Ayant au fond des eaux plus d’un secret parcours.

      Il exulte du vaste et fol itinéraire,
      Qui ne lui permet point d’instant inattentif,
      Le soupir de la muse aux accents littéraires
      L’esprit calculatoire et le coeur inventif.

      Assez ! J’ai trop rimé ! J’ai vidé tout mon rêve !
      Toute rime est sans force et tout sonnet amer ;
      L’encrier me demande (et la plume) une trêve,
      Planons avec la mouette au-dessus de la mer !

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  • La vache ivre 11 novembre 2011 19:27

    http://www.amicalien.com/membres/Le...

    Comme je m’égarais dans les forêts normandes,
    Petit Poucet semant au vent mes vers rêveurs,
    J’aperçus dans un pré quelques vaches gourmandes,
    Des brins d’herbe piqués à leurs mufles baveurs.

    Les mouches bombinaient sur leurs dos roux, les tiques
    Rongeaient férocement leur cuir ensanglanté
    Et - Voyant que je suis - de tableaux exotiques
    Mon cerveau délirant fut aussitôt hanté .

    Les vaches, à présent visqueux hippopotames,
    Baignaient jusqu’au poitrail dans l’eau de marigots
    Charriant - verte avec de longs reflets de flammes -
    Crocodiles béats, torpides escargots.

    Des sapajous issus des touffeurs de la brousse
    Venaient sous mon crayon se tordre et grimacer
    Et... mais mon oeil rivé sur une vache rousse
    La vit réellement s’ébrouer et danser.

    Le long dérèglement de tous mes sens est cause
    Du mirage, pensai-je, et ce torve bovin,
    S’il se présente ainsi, valsant, c’est que sa pose
    Vient combler le désir secret de l’écrivain.

    Mais non ! elle dansait bel et bien cette vache,
    Et plus haut que Perrette avec son pot au lait...
    Abandonnons nos illusions de potache,
    A dix-sept ans, soyons sérieux, s’il vous plait !

    Si ma vache dansait, c’est, nouvelle Ophélie,
    Que la pauvre flottait sur ce sombre ruisseau
    Bordé par l’ellébore et la douce ancolie,
    C’est qu’un amer poison, versé dès son berceau,
    L’avait, bien jeune encore, conduite à la folie.
    C’était l’ignoble effet d’un gavage inhumain !
    Le poète, écrasant un pleur en son oeil darne,
    Vous dit :"Si vous m’en croyez n’attendez à demain
    Herbivores, jamais ne mangez plus de carnes !"

    Jean Malaplate. "Arthur Rimbaud", extrait de" Quelques pastiches poétiques".

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  • Le métro ivre 10 janvier 2012 13:46, par Joachim Séné

    Excusez-moi, j’ai corrigé, un peu tard, ce pastiche, avec des alexandrins plus justes, ou moins fautifs.

    JS.

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  • Jeanne ivre 15 février 2013 12:02, par Cochonfucius

    http://lutecium.org/stp/cochonfuciu...

    Pendant ma combustion, je devins impassible,
    Je ne me sentis plus rôtir dans la chaleur.
    Qu’un évêque criard m’eût ce jour eue pour cible
    Ne fut rien quand du ciel j’ai rejoint la couleur.

    Plus ne chevaucherai en guerrier équipage
    Pour tuer des manants ou des barons anglais.
    Quand avec la chaleur ont fini ces tapages,
    La Seine me laissa descendre où je voulais.

    L’eau de Seine a rejoint celle de la marée.
    Mon coeur redevient sourd, mon simple coeur d’enfant.
    J’oublie cette bataille hier par moi démarrée,
    J’oublie mon étendard et mon roi triomphant.

    J’oublie aussi tout fief qui n’est pas maritime.
    Les angéliques voix sonneront sur les flots,
    Et mes prochains combats n’auront pas de victimes.
    Les terrestres soldats me paraissent falots.

    La profondeur des flots est ma retraite sûre,
    Plus douce infiniment qu’une boîte en sapin.
    Elle est loin, la prison avec ses vomissures,
    Et nul geôlier sur moi ne met plus le grappin.

    Aux archanges divins je dédie ce poème.
    Qu’ils en versent les mots dans leur coeur lactescent
    Et leur esprit d’azur vert, où, flottaison blême
    Et ravie, un désir lascif parfois descend.

    Car un archange aussi a besoin du délire,
    S’il va planant sous les rutilements du jour,
    S’il s’enivre d’alcool pour éveiller sa lyre,
    Et s’il songe aux rousseurs amères de l’amour.

    Ses larmes jaillissant formeront une trombe,
    Mais son chagrin jamais ne dure jusqu’au soir :
    Il est consolé par le peuple des colombes,
    C’est du moins la vision que mon âme a cru voir.

    J’ai vu l’archange atteint par le pinard mystique
    Dont vacillait soudain le regard violet,
    Envahi du remords d’un drame très antique
    Et partant se coucher sans fermer les volets.

    Par une absinthe verte il eut l’âme éblouie,
    Vapeur brûlant dans sa cervelle avec lenteur,
    Des galettes ayant des fèves inouïes,
    Et les copains buvant des litres de planteur.

    Sous l’effet des boissons disant des vacheries,
    Ils ont tenu parfois des discours agressifs,
    Sans permettre à l’esprit fumeux des otaries
    De décrypter pourtant leurs jeux de mots poussifs.

    (...)

    Archange dont le corps était jadis de braise
    Et qui est maintenant ce pauvre insecte brun
    Qui rampe sous les lits et qu’on nomme punaise
    En raison, semble-t-il, de son mauvais parfum.

    (...)

    Je ne crains plus le feu ni aucun coup de lame,
    Mais j’ai peur de rester comme dans du coton.
    Pourquoi à mon orgueil a-t-il fallu ces flammes ?
    J’aurais dû épouser un vieux marin breton.

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