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édition du 9 avril 2016 : corrections de l’auteur d’après les remarques de Laurent Mauvignier
Ce regard quand elle est rentrée et qu’elle m’a vue dans sa cuisine avec ses filles, quand elle m’a vue leur préparer des pancakes. Ce même regard qu’elle adressait à son père avant, ce regard terrible. Et moi, dans sa cuisine. Moi ne sachant que faire de ce regard, incapable de le soutenir, cherchant à désamorcer une charge, ou à baisser une tension électrique. Ce sont les petites qui – Ce ne sont plus des (...)
8 septembre 2011, par Franck Garot
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Haïssez. Rien d’autre à faire. Seule issue. Exécrez, pour ne pas succomber, ne rien céder au détestable. Car il suffit de dominer, briser, broyer la chose, qui est là, palpitante, séduisante. Qu’une pulsion surnage en vous, au fond gardez-la, noyez-la, recrachez-la, venimeuse, vous-mêmes plus venimeux encore.
Haïssez ! C’est cela ou laisser le monde vous effacer de mauvais goût, de légèreté.
Qu’un discours, qu’une œuvre, qu’un dogme vous apparaisse si aisément intéressant, alors frappez-vous et détruisez (...)
22 septembre 2011, par Richard Lebeausale
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le naturiste au mois de mai fait ce qu’il lui plaît les fesses à l’air
Dans des eaux peu profondes, l’aigrette garzette mâle ébouriffe ses plumes et offre des brindilles, avant l’accouplement, à un sac en plastique blanc qu’elle prend pour sa partenaire. Romance industrielle des étangs.
Les corbeaux reconnaissent les visages humains et transmettent cette information à leur progéniture. Il fallait que vous le (...)
12 septembre 2011, par Estelle Ogier
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Ce fut au mois de juin, à Villeneuve-d’Ambeuse, un beau soir qu’il pleuvait. Il avait reçu la veille un sms sommaire lui expliquant de s’y rendre, pour un dîner qu’on imaginait plutôt « teuf ». La pensée qu’il la reverrait l’avait tenu éveillé toute la nuit, qu’il passa entre son lit, peuplé des rêves les plus tendres, et l’écritoire de sa chambre devant lequel il s’asseyait afin d’y consigner toutes sortes de secrets moins avouables. Alors qu’il dormait enfin, la lueur de l’aube illumina d’un coup le sol de la (...)
19 septembre 2011, par Xavier Garnerin
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J’étais arrivée en Cornouailles avec les enfants par le train du matin ; j’avais passé les deux heures du trajet le nez dans mon livre, de peur de croiser leurs regards mais, une fois sur le quai, je vis leurs trois paires d’yeux subrepticement traversées par l’ombre du regard noir de leur père. J’étais assaillie des souvenirs du pique-nique de l’année passée – le verre cassé, la nappe blanche maculée de vin, le ballon emporté par le courant du fleuve –, c’était le dernier été de James.
Ce ne fut pas ma (...)
26 septembre 2011, par Marianne Desroziers
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Les rires clairs Flottent dans l’air Du printemps Gonflant mon cœur D’une vigueur De vingt ans.
Monte la sève Tandis que rêve Mon amant ; Je me souviens Des jeux anciens Et je mens ;
Et je me sauve À pas de fauve Pourchasser Ici et là Une belle à Embrasser.
10 octobre 2011, par Franck Garot
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Le doux refrain Du slow sans fin De l’été Berçait nos corps De ses accords Répétés.
Tout transpirant Et rouge, quand Il s’achève, J’arrive à prendre Tes lèvres tendres C’est le rêve.
Et nous partons Vers ton futon Pour, tout nus, Danser le feu D’un pas de deux Inconnu.
28 novembre 2011, par Magali D.
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Je fus à sa hauteur en deux foulées. Il faisait face à la pâtisserie la plus courue de Pont-Audemer, immobile, un peu voûté sous son blouson terne de demi-saison, et j’ai prononcé les deux syllabes de son prénom, doucement, pour ne pas le faire sursauter. – Laurent... – Toi ? – Je suis presque chez moi ici. Mais toi ? – Viens. Je réfléchissais... Viens boire quelque chose, j’ai le temps. – Le temps, c’est ce qui nous a manqué ? – Ce n’est pas exactement mon impression. Tu as filé comme un voleur. – Comme (...)
5 juin 2012, par Muriel Friboulet
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Albes draps, repos calme, ô chambre Où je rentre au Quartier Latin, Ce soir, bien plutôt ce matin ! Soir, matin, en tout cas : décembre.
Les habits sont jetés par-ci Par-là, puis le sommeil me hante. Mais quelle odeur fragre, flagrante, Berçante, alliciante aussi ?
Parfum des extases anciennes, Est-ce, fades mais grisants, vous Qui cernez de tourbillons fous Mon âme, ô vol des amours miennes ?
Non. Vraie est cette exhalaison De senteurs pas trop définies. Elle sort de mes mains unies Pour la très (...)
16 novembre 2012, par Charles Müller,
Paul Reboux
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Au printemps, quand les dimanches étaient propices, Charles prit l’habitude d’aller à la pêche. Il partait tôt après avoir minutieusement préparé son attirail, ses lignes, son panier, ses appâts, son parapluie tout délavé, son tabouret. Il ajoutait dans sa besace du pain, du lard, des biscuits, une bouteille de vin rouge dont il ferait son repas. Puis il descendait la grand’ rue d’Yonville, chargé comme un baudet, la silhouette indécise et pesante, engoncé dans son lourd manteau usagé tandis que, sur les (...)
26 novembre 2012, par Isabelle Rambaud